Qu’est ce qu’elle attend, la comédienne Chantal Pétillot, quand elle arrive sur scène et se plante là telle Winnie dans son mamelon de terre ? Godot ? Elle n’a pas d’ombrelle mais un cabas qui lui sert de « maison » et dont elle extrait ses trésors, un végétal en pot, des cailloux, quelques cartons. Elle restera à court durant tout le spectacle et l’on comprendra à la fin pourquoi cette place est sa place, celle qu’elle a choisie, enfin, qu’elle a été obligée de prendre après de multiples incidents de parcours.
Quelle avait pu être la vie de l’ombre de la rue d’un territoire sans abri ? Par pudeur, confort ou flemme on ne lui demande pas, alors c’est elle qui s’avance.
Sans misérabilisme et même plutôt enjouée, la passante de la rue là-bas qui n’a pas de nom revient sur les circonstances qui l’ont conduite ici. Ne vous y trompez pas, ce Seul en scène n’est pas un récit sur le sort des sans-abris, il nous renvoie plus fondamentalement à la question de notre place au sein de la famille, de l’entreprise, du couple, interrogation difficile mais nécessaire si l’on n’accepte pas de jouer les utilités. Le jeu est précis, presque clownesque parfois, distancié par rapport au récit bouleversant. Pleinement vivante, cette femme endure stoïquement les souffrances de la relégation, avec une inébranlable foi dans la dignité humaine, avide de rencontres malgré tout. L’apparente désinvolture de son discours est, comme l’humour, la délicate politesse du désespoir.
Quels que soient les lieux de représentations (boite noire, salle de classe ou des fêtes, festivals en plein air…), le spectacle résonne avec des publics très différents; il nous questionne sur les places qui nous sont données, celles que l’on prend et celles que l’on quitte. Très simplement, Chantal Pétillot et Gabriel Debray reviennent avec beaucoup de finesse aux origines du théâtre de tréteaux dans une adresse singulière aux spectateurs sans effets spéciaux qui reste longtemps en nous.
A la fin, la comédienne plie bagage et emporte ses reliques à la recherche d’un abri, d’un havre de repos et de chaleur humaine, c’est drôle, radical, déstabilisant et émouvant !
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